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Du trop jusqu'au tas
Le contour de l'estran
De février à juin 2015, Frédéric Tentelier a arpenté les couloirs du GHLH et a enregistré les résidents, les patients, le personnel médical et les bruits de couloirs. En parallèle il écrit, pour le cycle Mnemorandum, des textes qui développent le processus mémoriel
A partir de tous ces matériaux et de quelques instruments, il compose ces deux installations.
Ces deux textes sont une manière de mode d’emploi à Mnemorandum. Le contour de l’estran met en analogie le processus mémoriel et le cycle de la marée. Du trop jusqu’au tas met en analogie le processus mémoriel et les concepts du creux et du tas.
Ces deux installations ont été réalisées au cours d’une résidence d’artiste dans les murs du Groupe Hospitalier Loos Haubourdin financée par l’ARS et la Drac NPdC.
installations sonores
création mai 2015
Le contour de l'estran
durée 14 min
Du trop jusqu’au tas
durée 11 min
DU TROP JUSQU'AU TAS
Un tas
Alors un tas est mémoire.
Je suis assis sur une pierre face à un tas. Je contemple un tas. J’entends contempler : figer.
J’ai lu quelque part :
s’asseoir sur une pierre, c’est fixer le monde.
Empathie d’un tas :
je deviens un tas.
Etre un tas : je suis un tas.
Un tas empreinte ma mémoire.
Un souvenir n’a pas de temps. Un souvenir n’a pas de passé, pas d’avenir : il n’est que le présent. Un souvenir c’est la simultanéité.
Un souvenir solitaire n’est pas mémoire.
Deux souvenirs reliés font naître la mémoire.
La mémoire tisse son fil avec la logique non narrative, l’analogie et la pensée réticulaire.
Alors un tas de souvenirs devient la mémoire.
Et la mémoire crée du temps.
Un tas nous parle : mais de quand nous parle-t-il ?
J’adopte une mesure du temps proche de celle des temps géologiques. C’est le temps figé. L’état du temps le plus lent possible encore en mouvement, mais imperceptible. Il n’y a pas de temps plus lent que le temps figé. Le temps arrêté n’existe pas. Pas de temps n’existe pas.
Un tas est le présent perpétuel : figé comme un tas.
Un tas est du temps figé.
Petit à petit et imperceptiblement, il s’érode.
Je ne le vois pas : mais un tas s’érode.
LE CONTOUR DE L'ESTRAN
Oublier, tout
Je ne veux plus de mémoire.
Je ne veux plus de souvenir. Je veux me réveiller tous les matins avec une tête vide. Une tête à remplir tout au long de la journée. Et mourir le soir. Mourir tous les soirs et le lendemain matin renaître la tête vide. Etre toute neuve tous les matins : se réveiller et ne plus avoir peur.
Je ne veux plus m’assommer avec les souvenirs. Ce que je voudrais maintenant, c’est commencer à oublier.
CHŒUR :
On va dire que l’on avait rien entendu.
On va dire qu’il ne nous reste plus qu’à tout effacer.
On va dire que l’on peut ici tout recommencer.
Je ne veux plus de mémoire :
Peut-être - juste - quelques souvenirs.
CHŒUR :
Vider enfin sa mémoire.
Sans s’en rendre compte, Mnemosyne avait tous les matins cette même vague idée d’inhumer des coquillages. Elle a oublié qu’elle l’avait fait la veille, l’avant- veille et avant encore.
Sans s’en rendre compte, elle vide la plage de ses coquillages.